Le souvenir du sous-marinier, disparu en 1942 avec le « Surcouf », sera commémoré le samedi 18 février (10 h 30), au Centre médico-social, à Chambly. Pour la première fois sans son frère, décédé le 28 décembre dernier.
Une commémoration à la mémoire de Jean Vigneux et une pensée émue pour son frère Robert. C’est à ce double titre que les anciens marins et les corps constitués se retrouveront le samedi 18 février, à 15 h 30, à Chambly, où une plaque est scellée sur la façade du Centre médico-social qui porte le nom du sous-marinier, mort en 1942. Son cadet s’est éteint dans son sommeil le 28 décembre dernier, le jour de son 88e anniversaire. Robert Vigneux était, en tant que sympathisant, le doyen de l’Association des anciens marins de Chambly et environs. Depuis soixante-quinze ans, depuis l’enfance, il vivait dans le souvenir de son aîné Jean, disparu le 18 février 1942. Comme un mauvais sort jeté à sa famille, Robert appréhendait chaque année cette date. « C’est aussi un 18 février, deux ans après la fin de la guerre que les gendarmes sont venus annoncer sa mort à mes parents. C’est un 18 février que j’ai perdu l’une de mes sœurs », nous confiait-il en 2012 lorsque nous l’avions rencontré dans la résidence pour personnes âgées Louis-Aragon, à Chambly où il s’était retiré avec son épouse car leur maison était devenu trop grande pour eux au crépuscule de leur vie. Robert Vigneux avait grandi et vécu à Chambly. Il était employé par la SNCF comme ajusteur au Moulin-Neuf. Toujours digne et émouvant lorsqu’il évoquait le souvenir de son frère. « Il était né en 1913, on était neuf gosses à la maison, c’était le premier. » Et lui le dernier. « Je l’ai vu pour la dernière fois quand j’avais sept ans. C’était en 1935. Il s’était engagé dans la marine. Sa dernière lettre, postée en Indochine, datait de 1939. Puis, il s’était rendu en Chine car il y avait des émeutes. Il avait remonté le Yang-Tse-Kiang, l’un des fleuves les plus longs du monde – plus de 3 000 kilomètres – sur une canonnière, vous vous rendez-compte ! » lançait-t-il sur un ton admiratif. Après l’Asie, retour à Toulon. La guerre éclate, Jean Vigneux file en Afrique, revient à Brest. « C’était la débandade, il a pris un rafiot pour l’Angleterre. Les Anglais pensaient que c’était des espions. Quatre mois d’internement ».
Jean devient Second maître infirmier à bord du « Surcouf », à l’époque le plus grand sous-marin du monde. Le bâtiment traverse l’Atlantique Nord, participe à l’opération de ralliement de la Saint-Pierre-et-Miquelon à la France libre en décembre 1941. Puis il quitte Halifax, au Canada le 2 février 1942, pour Tahiti. Il n’arrivera jamais à destination. Seize jours plus tard survient une catastrophe. Le Surcouf disparaît dans le golfe du Mexique avec, à bord, cent vingt-cinq hommes. Jean Vigneux avait 28 ans. « L’armée a gardé les secrets, bouche cousue, on ne saura jamais ce qui s’est passé », déplorait Robert. Selon la version des autorités américano-anglaise, le croiseur sous-marin naviguait en surface, de nuit, quand il serait entré en collision avec un cargo. L’enquête menée par les Forces navales françaises tend, elle, à démontrer qu’il a été coulé par l’aviation américaine à la suite d’une méprise tragique, une confusion avec un navire allemand. Peu après le naufrage, la mer déposa des corps sur une plage du Panama. Ils furent recueillis et ensevelis par les indiens Junas.
Jusqu’à la fin de ses jours, Robert Vigneux aura porté le poids du drame familial. « Mes parents n’en parlaient pas, c’était à l’intérieur, disait-il, en touchant son cœur fatigué. Mes souvenirs de lui sont trop personnels pour que j’en parle », s’excusait-il, les yeux embués. L’épave gît toujours à plus de 3 000 mètres de fond. Mais c’est au Ciel que Robert a retrouvé Jean.