Tirs de mortiers et deux interpellations à Boyenval

Tirs de mortiers et deux interpellations à Boyenval

Jean-Michel Aparicio (de dos) a demandé le calme aux soutiens d’Adama Traoré. Quelques instants plus tôt, sa sortie, avec les autres élus de l’opposition, avait provoqué l’annulation de la séance du Conseil municipal (photo J.-L. G.).

 

Après l'annulation de la séance du Conseil municipal, la soirée s'est poursuivie dans la violence au quartier de Boyenval, à Beaumont, investi par une soixantaine de gendarmes : tirs de mortiers, jets de coktail Molotov et deux interpellations. 

Il était 20 h 30, jeudi 17 novembre, une soixantaine de personnes étaient présentes devant l’hôtel de ville de Beaumont-sur-Oise pour soutenir la cause de la famille Traoré, dont l’un des enfants, Adama, originaire du quartier de Boyenval, est décédé le 19 juillet dernier, à l’âge de 24 ans, lors de son interpellation par les gendarmes. Drame qui avait provoqué des émeutes à Beaumont, Persan et Champagne. L’habituel accès au public de l’hôtel de ville de Beaumont-sur-Oise était gardé par une dizaine de gendarmes, dont certains portaient une arme en bandoulière. Sur une autre façade du bâtiment, devant la porte de l’ancienne mairie, d’autres gendarmes et des policiers municipaux, en faction, filtraient les entrées. A 20 h 45, Nathalie Groux, le maire (UDI), dressait la liste des conseillers municipaux présents. On entendait des protestations venant de l’extérieur de ceux qui s’étaient vus refuser l’autorisation, par les forces de l’ordre, de pénétrer dans la mairie. Simultanément, Jean-Michel Aparicio, conseiller municipal d’opposition, prenait la parole : « Comme le public n’est pas autorisé à rentrer, on ne siégera pas », annonçait-il. « Le quorum n’est pas atteint, constatait Nathalie Groux. La séance est annulée ».

 

Soudain, un gaz lacrymogène se répand

 

Dehors, un incident survenait. Un gendarme utilisait un gaz lacrymogène. « Son capitaine était en train d’être attrapé », selon un témoin. La mère d’Adama Traoré faisait partie des personnes les plus exposées. Une élue de l’opposition, Marlène Herlem, avait les yeux rougis. « Tout le monde ne pouvait pas rentrer, faute de place, mais pourquoi ne pas avoir laissé une délégation assister au Conseil ? », interrogeait-elle. Jean-Michel Aparicio parlait aux jeunes de Boyenval lorsqu’il subissait lui aussi la même projection de gaz lacrymogène. Il avait les vêtements humides. « Le maire a refusé de faire rentrer les gens, alors nous sommes sortis. C’est juste dommage. Les jeunes étaient calmes. Nous (l’opposition), on a quitté le Conseil pour faire en sorte que ça ne dégénère pas à l’extérieur. Pour le reste, je ne prends pas position : à la justice de faire son travail ».

 

 

Les gendarmes devant l’entrée de l’hôtel de ville (photo J.-L. G.).

 

Un habitant  « Ca pète dans le quartier »

 

Le 28 septembre dernier, dans « le Gros journal » de Canal +, Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré, affirmait que « la maire de Beaumont a choisi son camp, qu’elle se met du côté des gendarmes, c’est-à-dire du côté des violences policières. » Nathalie Groux entendait répliquer à cette accusation en déposant une plainte pour « diffamation publique ». En sollicitant une protection fonctionnelle, elle espérait que le budget communal prendrait en charge les frais d’avocat (à hauteur de 10 000 €) dans la procédure engagée contre Assa Traoré. La délibération n’a donc pu avoir lieu. « Il ne faut pas mettre cette délibération à l’ordre du jour de la prochaine séance du Conseil municipal, ce serait un signe d’apaisement », réagissait Pascal Rebeyrolle, autre élu d’opposition. « Le maire n’a pas eu de considération pour Adama, elle en a encore moins pour les contribuables beaumontois, pointait Assa Traoré. On reviendra au prochain Conseil municipal ». On entendait les aboiements des chiens de la gendarmerie sortis des véhicules. Deux individus provoquaient les gendarmes en poste sur les marches de l’hôtel de ville, en les filmant avec leur téléphone portable, à moins d’un mètre. Les militaires ne bronchaient pas. Après le départ des manifestants, Nathalie Groux fermait elle-même la porte de la mairie. « Je ne ferai pas de commentaires », prévenait-il calmement avant de s’engouffrer dans sa voiture. Des véhicules de gendarmerie s’approchaient du quartier de Boyenval sans y pénétrer. Mais peu après 22 heures, la situation se tendait. « Ca pète dans le quartier : cocktail et gros ‘’feu d’artifice’’. Les gendarmes sont dans la place », témoignait un habitant. Au lendemain des incidents, la préfecture du Val-d’Oise indiquait qu’ « une soixantaine de militaires et de gendarmes ont été mobilisés à la suite de tirs de mortiers et de jets de cocktail Molotov. Deux individus ont été interpellés. »

 

 

Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré (photo J.-L. G.).