Deux ou trois choses que vous devez savoir sur la future prison de Bernes

Deux ou trois choses que vous devez savoir sur la future prison de Bernes

 

La phase de concertation publique sur le futur centre pénitentiaire de Bernes, à proximité de Bruyères, Morangles et Mesnil, est lancée et se déroule jusqu’au 16 février. Récit de la visite du site.

Une prison sortira de terre en 2027 à Bernes, à la limite de Bruyères, Mesnil et Morangles et, situation unique en France, elle concerne deux départements, le Val-d’Oise et l’Oise, et deux régions, l’Île-de-France et les Hauts-de-France.

Son enceinte sera d’environ 8 hectares sur un terrain de 12 hectares, occupé partiellement par le centre de l’Agence nationale pour la formation des adultes (AFPA) de Bernes. L’établissement pénitentiaire appelé Nord francilien comportera 600 places et coûtera 120 millions d’euros.

Le terrain appartient à l’État, ce qui facile grandement l’avancée du projet et limite son opposition (rappelons que Bernes « remplace » Belloy). Il s’inscrit dans un programme de 15 000 nouvelles places de prison en France où la surpopulation carcérale est un problème récurrent. Actuellement, 73 000 personnes sont détenues pour 60 000 places. L’unique maison d’arrêt du Val-d’Oise, à Osny, est d’une capacité de 579 places pour 859 détenus, soit un taux d’occupation de 148,4 %.

Responsables de l’administration pénitentiaire, élus, habitants ont visité le site de la future prison sur l’actuel terrain de l’AFPA, le vendredi 6 janvier (photo J.-L. G.).

 

La phase de concertation vient de démarrer. Une réunion publique se tiendra le lundi 9 janvier (19 h 30), à la salle des fêtes de Bernes. Vendredi 6 janvier, en avant-première, nous avons pu visiter le site du futur établissement. Le projet a été présenté par des responsables de l’Agence publique pour le mobilier de la justice (APIJ), qui dépend du ministère de la Justice : Anne Voeltzel-Lévêque, directrice opérationnelle, Éric Besson, chef du bureau de l’immobilier, et Jean-Baptiste Lienhart, chef de projet. Des élus des communes directement ou indirectement concernées par cette implantation étaient présents, dont les maires Olivier Anty (Bernes), Marianne Lemoine (Morangles), Alain Duclercq (Le Mesnil). Boran étant proche du site, Jean-Jacques Dumortier s’était déplacé. Le directeur de l’aérodrome de Persan-Beaumont, des représentants d’associations environnementales et de riverains, des habitants étaient également les hôtes d’Emmanuel Demarthe, directeur de l’AFPA.

Ce rendez-vous a été ouvert par deux membres de la Commission nationale du débat public (CNDP), qui assureront le bon fonctionnement la concertation publique ouverte  jusqu’au 16 février. Patrick Norynberg et Dalila Da Costa Alves. « Nous sommes un organisme indépendant avec un rôle de prescripteur, de conseil pour les porteurs du projet, explique Patrick Norynberg. Nous sommes garants du partage de l’information, des facilitateurs du dialogue. Vous devez être force de propositions, s’adresse-t-il à l’auditoire. Après le 16 février, nous aurons un mois pour faire le bilan de la concertation. Puis le maître d’œuvre devra apporter une réponse à chacune de vos questions. »

Emmanuel Demarthe, le directeur du centre de l’AFPA (en noir, au centre), est l’un des guides de la visite, ici face à un hangar construit par l’armée américaine durant la Seconde guerre mondiale (photo J.-L. G.).

 

Quel sera le profil des détenus ?

Lorsqu’on vous annonce la construction d’une prison près de chez vous, le premier motif d’inquiétude concerne la dangerosité des détenus. « Ce ne sera pas une maison centrale où le niveau de sécurité est des plus élevés, où les détenus font l’objet d’une surveillance particulière, souligne Éric Besson. Ce seront des courtes ou moyennes peines, des détenus condamnés à moins de 2 ans et des gens en attente de leur jugement. À priori, il n’y aura pas de femmes et de mineurs. Je peux comprendre la question de détenus qui s’évadent, ajoute-t-il. Ils ne sortiront pas pour aller travailler ou faire une formation, comme c’est le cas à Osny. On a tous les profils, on n’a pas que des détenus gentils. On mettra des profils de gens qui ne s’évadent pas ».

Le personnel de L’AFPA constitue la première population concernée par la cohabitation avec le centre pénitentiaire. La nuit, les engins de chantiers qui servent à la formation seront surveillés depuis un PC sécurité. Le jour, ils seront naturellement utilisés par les stagiaires. D’où, témoigne le directeur de l’institution, « une vraie crainte des salariés de se faire braquer pendant la formation pour forcer les portes de la prison ».

Crainte principale des salariés du centre de l’AFPA, le risque de braquage des engins de chantier servant à la formation des stagiaires (photo J.-L. G.).

 

Y a-t-il un risque de nuisances sonores ?

Le choix du maître d’œuvre n'est pas encore effectué. Il sera désigné à l'issue d'une procédure d'appel d'offre qui sera engagée au terme de la concertation publique. Une simulation du plan masse de l'établissement pénitentiaire de Troyes-Lavau (qui ouvrira cette année) a été présentée afin d'illustrer ce à quoi peut ressembler un nouvel établissement pénitentiaire et les dispositions architecturales qui peuvent être mise en œuvre pour atténuer certains effets du projet sur son environnement proche. « L’hébergement se trouve vers l’intérieur afin de limiter les interactions avec l’extérieur », fait observer le chef de projet Jean-Baptiste Lienhart. « Les cellules sont éloignées des murs. S’il y a du son, il sera orienté vers l’intérieur », insiste Éric Besson. L'administration pénitentiaire désigne par le terme « parloir sauvage » la communication entre des détenus et des personnes à l’extérieur (c’est le cas dans des prisons anciennes en milieu urbain). Pour ce responsable, ce ne sera pas le cas à Bernes. Il ajoute qu’« un téléphone est dans chaque cellule pour réduire le nombre de projections de portables au-dessus du mur d’enceinte ».

Y aura-t-il un impact visuel ?

L’établissement sera situé à Bernes, cependant les habitations les plus proches sont à Morangles (séparé par une zone boisée) et au Mesnil. « Les premières habitations sont à plus d’un kilomètre du site », assure Anne Voeltzel-Lévêque, la directrice opérationnelle.

Certains bâtiments pourraient comporter 4 étages et s'élever à une hauteur pouvant s'approcher des 20 mètres. Une prison restant allumée pendant la nuit, le maire de Boran Jean-Jacques Dumortier propose des bâtiments semi-enterrés. « Cela pose des problèmes (de construction), répond Éric Besson. Et cela ne parait pas judicieux pour la vie des détenus ». Il lui est demandé si un mirador sera édifié. « Aujourd’hui je ne peux pas répondre à cette question », reconnait-il. Un programme ambitieux de végétalisation encerclant le site est plus que souhaitable.

Jean-Baptiste Lienhart, Éric Besson et Anne Voeltzel-Lévêque, responsables de l’Agence publique pour le mobilier de la justice, répondent aux interrogations d’une riveraine (photo J.-L. G.).

 

Les activités de l’aérodrome seront-elles touchées ?

Les activités de l’aérodrome (comme celles de la chasse) ne se sont pas incompatibles avec cette implantation, selon les responsables de l’APIJ. Sa directrice opérationnelle rappelle qu’une réunion avec l’Aviation civile en 2021 n’a entraîné « aucune contre-indication ». La seule contrainte est l’obligation de survol des avions à 300 mètres au-dessus de la prison, en dehors du décollage et de l’atterrissage.

Vue de la future prison vers l’aérodrome de Persan-Beaumont et la commune de Bruyères (photo J.-L. G).

 

Comment circulera-t-on autour de la prison ?

Le chemin de Crouy qui vous emmène au centre de l’AFPA restera ouvert à l’activité agricole, en réponse à la question d’un agriculteur qui voulait savoir si les camions pourront stationner pendant la période des betteraves. Des espaces seront aménagés. Actuellement de 5,50 mètres, la chaussée sera élargie à 6 mètres, voire plus. « Pour l’accès à une prison, il y a obligation de croisement de deux camions de sapeurs-pompiers », précise le chef du bureau de l'immobilier de l'APIJ.

Accès au centre de l’AFPA et au futur établissement pénitentiaire, le chemin de Crouy sera élargi (photo J.-L. G.).

 

Que va devenir le centre de l’AFPA ?

La prison ne remplace pas l’AFPA, elle va déplacer ses plateaux de formation. Le relogement du centre de l’AFPA doit s’effectuer sur 4 hectares. « Cependant, cela n’entrainera pas une réduction des formations », estime son directeur.

Comment répondre aux enjeux démographiques ?

L’ouverture de ce centre pénitentiaire apportera une population nouvelle parmi le personnel de l’administration pénitentiaire (à titre d’exemple, 273 emplois pour 472 prisonniers à Troyes). Une partie s’installera dans les communautés de communes du Haut Val-d’Oise (CCHVO) et Thelloise. Il faudra les loger, scolariser les enfants,  renforcer la desserte des transports publics (sans que la CCHVO, qui les subventionne, n’ait à supporter le surcoût), redimensionnés les services publics à la hauteur des besoins…

Sur l'ensemble des points cruciaux entraînés par une telle construction, Olivier Anty, le maire de Bernes, réclame « des certitudes. Il faut que tous les sujets soient rédigés, actés ».

Olivier Anty, le maire de Bernes (au milieu), filmé par France 3 (photo J.-L. G.).

 

Quand et où donner son avis et en savoir plus ?

Une réunion publique se tiendra à la salle des fêtes de Bernes le lundi 9 janvier (19 h 30 à 21 h 30). Trois autres rendez-vous sont fixés : une permanence d’information le vendredi 20 janvier (14 h à 17 h 30 et un atelier participatif le mardi 31 janvier (18 h à 20 h) à la mairie de Bernes ; une permanence à la mairie de Morangles le mardi 7 février (14 h à 17 h 30). La fin de la phase de concertation est programmée au jeudi 16 février. Posez des questions et donnez votre avis sur cette plate-forme dédiée au projet : www.concertation-penitentiaire-nordfrancilien.fr