Miracle camblysien et pèlerinage à Bollaert

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Miracle camblysien et pèlerinage à Bollaert

 

Il y a onze ans, le Football club de Chambly était un club de niveau régional. Grâce à sa persévérance exceptionnelle, il a acquis le droit de jouer dans le stade Bollaert-Delelis devant 30 000 fervents (cliquez sur la photo et écoutez-les) du Racing club de Lens, à la veille de la Sainte-Barbe, patronne des mineurs. Viendra le jour où il aura le droit d’y gagner un match…

Lorsque le calendrier du championnat de Ligue 2 a été publié, au début de l’été, donnant du corps à la réalité de l’accession du FC Chambly au professionnalisme, j’ai aussitôt cherché avec appétit la date du match des Camblysiens à Lens : mardi 3 décembre. Cette rencontre, je ne voulais la rater sous aucun prétexte pour deux excellentes raisons. J’ai suivi le Racing club de Lens pour le journal « L’Équipe » entre 2004 et 2008, l’année où je suis allé pour la première fois m’appuyer contre une main-courante du stade des Marais, dans le hameau du Mesnil-Saint-Martin. Le FC Chambly-Oise s’appelait alors plus modestement le FC Chambly-Thelle et bataillait en Division d’honneur. Le Racing venait de tomber en Ligue 2 malgré le retour à ses commandes de Daniel Leclercq et, onze ans plus tard, c’est comme si le traumatisme n’était pas totalement évacué. Mais il est resté un grand club avec ses fidèles supporters, la merveilleuse ambiance du stade Bollaert, devenu Bollaert-Delelis. Pendant ce temps-là, le club de Chambly connaissait une formidable évolution sur son stade des Marais, sans tribune, sans vrai terrain annexe pour s’entraîner. Sur la foi d’un travail acharné, le miracle camblysien a propulsé son équipe fanion jusque sur le rectangle vert entouré des tribunes blanches de Bollaert !

Près de 30 000 spectateurs ont assisté au match entre le RC Lens et le FC Chambly (photo Éric Crémois).

 

Les bulletins météo annonçaient des températures négatives ce soir-là, il fallait découper le brouillard entre la Somme et le Pas-de-Calais, un peu comme ce rideau de pluie qui s’abat sur la voiture de Kad Merad dans « Bienvenue chez les Ch’tis ». Mais comment faire l’impasse sur ce match des extrêmes face à tous les symboles qu’il réunissait ? L’hommage à Daniel Leclercq, l’entraîneur de l’unique titre de champion de France du RCL en 1998 (année sainte), décédé à 70 ans, un personnage unique avec une langue ni pendue, ni de bois. Lorsqu’il reprit l’équipe de son cher club en janvier 2008, j’avais fait un portrait du « Grand » dans « L’Équipe ». Il m’avait dit : « Tu m’as fait pleurer ». J’avais reproduit le témoignage de son ancien entraîneur, Arnold Sowinski, qui lui-même pleurait à l’évocation de son joueur emblématique. J’ai toujours eu le sentiment que là-haut, au Nord, les émotions sont plus fortes qu’ailleurs. Sans doute au nom de son histoire minière où, jadis, les gars du coin et les immigrés, polonais surtout, avaient la même gueule noire.

Sacré baptême du feu pour Shaquil Delos, 20 ans et du talent (photo Éric Crémois).

 

Cette gentillesse, aussi. À Bollaert, vous êtes accueilli avec le sourire, la bienveillance. Au lendemain du match, j’ai reçu ce texto de Pascal Ghislain, le responsable de la presse au stade : « Les gars de Chambly sont bien. » Oui, les joueurs, les dirigeants, les supporters, tous sont des gens bien, valeureux, compétents, bosseurs, humbles. « L’entraîneur dit les choses, il manie l’ironie, ça change de l’ordinaire », soufflait un journaliste de « La Voix du Nord » après le match. Son équipe l’a nettement perdu (0-3), cependant Bruno Luzi a gardé sa dignité. Chaque ballon gagné, chaque mètre parcouru par ses joueurs avec, était comme une sorte de petite victoire face à des adversaires de classe supérieure, soutenus par 30 000 supporters. « Il y a 10 ans, j’étais un entraîneur de Régional 1, rappelait le coach en mesurant le chemin parcouru. Jouer ici est une grande fierté, avec le meilleur public de France, l’hommage à Monsieur Daniel Leclercq…. Je pense faut qu’on sort grandi de ça. » Il avait parfaitement saisi la portée de l’évènement.

Bruno Luzi, l'entraîneur de Chambly, ses pensées, ses émotions, après le match(photo Éric Crémois).

 

« Cette flamme est éternelle, Sainte-Barbe protège nos mineurs », proclamait et suppliait à la fois la grande banderole du « kop » de la tribune Marek devant ses préférés vêtus du vert (du nom de la place Verte où on jouait au foot en 1906) et du noir du charbon. Oui, le FC Chambly est sorti grandi du stade Bollaert-Delelis !