« Avant j’étais beaucoup plus craint, aujourd’hui je suis beaucoup plus respecté »

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« Avant j’étais beaucoup plus craint, aujourd’hui je suis beaucoup plus respecté »

 

Habitant de Bruyères, Karrar Hammodi dispute son dernier combat, samedi 11 février, à Beaumont, lors de l’Hexagone MMA Challenge. L’histoire d’un mauvais garçon devenu un type bien.

Cliquez sur la photo de Karrar Hammodi réalisée par la société Punchtime du Persanais Arnaud Romera, et en 11  minutes, vous en saurez déjà pas mal sur la vie de cet homme de 37 ans qui habite à Bruyères, né en France, d’origine irakienne, au prénom prédestiné. « Karrar signifie combattant, guerrier ».

Avant d’entendre l’interview, on aperçoit le visage tuméfié du combattant. « En face, il était aussi amoché que moi », nous glisse Karrar. Il dit qu’il aime souffrir, que l’odeur du sang l’exalte. Est-il maso ? « Oui, peut-être, j’ai besoin de prendre des coups, de finir amoché », rigole-t-il. Et d’insister : « J’aime bien souffrir, que les combats durant longtemps, le public aime ça et j’aime faire plaisir au public ».

Dans ce film, en remontant le chemin de sa mémoire, il « retourne » brièvement dans la rue, avec retenue, une pudeur mature. « J’ai fait de grosses bêtises. Bon, y a pas eu de mort (sic). J’ai payé ma dette (avec la société), ça m’a coûté très cher. » Il raconte aussi comment il a fini par échapper à ce mécanisme diabolique, comment le sport l’a sauvé : « Le sport t’écarte de la rue. Quand tu fais du sport, t’as qu’une envie, prendre ta douche, rentrer chez toi et dormir... » Il se souvient, en se marrant, de son arrivée dans la salle de boxe du gymnase Jacques-Duclos, à Persan. Dans les cités du 93, partout où « (il) maraudait », il faisait mouche, alors il pensait que ce serait pareil sur un ring. Il n’eut pas le temps de déclencher un coup qu’il avait déjà pris un direct au plexus et s’était retrouvé par terre…

Quand nous l’avons rencontré dans la soirée du mercredi 8 février, à la salle des arts martiaux de Bruyères, à 72 heures de son combat de MMA à la salle Léo-Lagrange, à Beaumont, Karrar Hammodi a prononcé cette jolie phrase pleine de sagesse : « Avant j’étais beaucoup plus craint, aujourd’hui je suis beaucoup plus respecté. Et c’est mieux ainsi ».

Notez la nuance ! Le bad boy est devenu un homme respectable. Le père de famille (d’une fille de 14 ans et d’un garçon de 12 ans) s’est remarquablement réinséré dans la société, il a des responsabilités professionnelles, bosse durement... Autrefois livreur (pour s’entrainer, tout en travaillant, il montait des escaliers avec un bidon de 25 litres d’huile dans chaque main !), il est devenu responsable logistique chez SBJ Transport, société persanaise sous-traitante de Cercle Vert, à Beaumont. « Je gère une flotte de 25 véhicules qui livrent dans toute l’Île-de-France. Je me lève à 4 heures. Vers 4 heures 30, 5 heures, je vérifie le chargement depuis notre entrepôt de Mesnil. À 17 heures, je suis chez moi, à 18 heures à l’entrainement, je rentre à 20 heures 30, je suis couché vers 22 heures. »

Un quotidien stakhanoviste pour être prêt le jour J, à l’heure H. Pour montrer qu’il reste jusqu’au bout d’une bravoure au-dessus de tout éloge, doté d’une énergie fabuleuse, d’une force de caractère à toute épreuve, toujours capable de faire jaillir des pulsions dans le public. Cet ultime défi, « dans la cage chez moi à Beaumont », il l’a préparé au gré des salles, Gigafit à Chambly, à Persan, à Bruyères… « De grosses mises de gants, beaucoup de cardio. Je souffre plus qu’en compétition ; à l’entraînement, pendant une heure et demie, tu vois l’enfer, tu vois la mort (sic). Le mental, c’est la moitié de la réussite d’un combat ».

Avec des jeunes sportifs de Bruyères, à la salle des arts martiaux (photo J.-L. G.).

 

Karrar Hammodi a disputé onze combats, dix en pancrace, une version light, si l’on ose dire, du MMA (Mixel martial arts), qu’il a pratiqué longtemps. Parce que le MMA est autorisé en France depuis seulement deux ans, à Beaumont, il disputera seulement son deuxième combat en MMA. Ce sera surtout le dernier. « À 37 ans, je ne me sens pas vieux, j’ai mal nulle part, je n’ai jamais été opéré, j’ai eu le nez cassé comme tout le monde. La dernière IRM a montré que tout allait bien, je veux m’arrêter avant d’avoir des séquelles et pour passer plus de temps chez moi ».

Son adversaire, Anthony Sarais, Français d’origine cubaine, est beaucoup plus jeune, beaucoup plus lourd que lui (120 kilos, 14 de plus que le poids du Briolin). Il est médaillé mondial en jiu-jitsu brésilien, discipline qui consiste à amener le combat au sol pour appliquer des techniques d’étranglement, de clé articulaire… « Il va jouer sur la lutte et sur le grappling (lancer, trébuchement, balayage). Je suis préparé pour ça. Ça va cogner, même si ça va au sol ça va cogner aussi », promet Karrar Hammodi.

S’il s’exprime toujours calmement, souvent avec le sourire, à travers ses mots perce la rage de celui qui s’est fait tout seul, qui a choisi son destin, à qui n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. Celui qui, autrefois, « maraudait un peu partout », dont la vie était un roman sombre, a transformé ses rêves en réalité. « À un jeune qui traine, je lui dis de s’écarter de la rue, qu’il n’a rien à y faire, que la rue ce ne sont que de mauvaises choses ». Ce discours apaisé, socialisant, c’est sans doute sa plus grande victoire.