Installé en 1868 à Beaumont, le fabricant de métronomes Paquet fut l’employeur principal de la commune dans la traversée des 19e et 20e siècles, jusqu’à sa fermeture en 1983. C’est aussi la famille Paquet qui créa le journal « Le Régional ».
Les magnifiques salles de l’Hôtel du Croissant ayant horreur du vide, l’exposition du logement social tout juste retournée dans ses cartons, les portes se sont ouvertes sur « L’histoire du métronome à Beaumont-sur-Oise, l’entreprise Paquet ». Visible jusqu’au 15 novembre, réalisée par Marlène Herlem, responsable des expositions historiques au Cercle beaumontois du patrimoine, elle propose de découvrir (ou redécouvrir pour les anciens beaumontois) la plus grande entreprise de Beaumont qui employa jusqu’à 150 personnes. C’était la seule usine en France à fabriquer des métronomes et la plus ancienne du monde jusqu’à sa fermeture en 1983 à la suite d’un dépôt de bilan.
Nicolas Paquet vient de Saint-Nicolas-d’Aliermont (Seine-Maritime), une petite ville normande spécialisée dans l’industrie horlogère. Il s’installe à Paris pour étudier l’horlogerie de précision et, ayant repris le brevet Maëtzel, il créée un atelier de fabrication de métronomes, rue Okerkampf, en 1846. L’affaire est juteuse car le piano est à la mode dans la bourgeoisie. Ses fréquentes visites chez un ami à Beaumont l’incitent à habiter dans la commune en 1868. Il transfère son atelier parisien près de l’hôpital de Beaumont. Dix ans plus tard, pour augmenter la production, il construit une usine dans la rue de L’Isle- Adam : on y travaillera durant 105 ans ! Elle était composée d’ateliers d’horlogerie, de mécanique, d’une ébénisterie, d’un hangar destiné au séchage. Au début du 20e siècle, l’entreprise produit son propre chauffage et de l’électricité grâce à une machine à vapeur et un alternateur. L’ingéniosité de Nicolas Paquet le conduit, en plus des métronomes, à réaliser des enseignes lumineuses en néon. Il est aussi l’inventeur du tachymètre, appareil servant à mesurer la vitesse de rotation d’une machine et a mis au point un chronomètre pour le développement des photos.
Nicolas Paquet s’éteint en 1909, à l’âge de 86 ans, à son domicile beaumontois. L’entreprise est dirigée successivement par ses descendants Victor, Lucien et André Paquet. L’exposition présente des métronomes de poche, en bois des années 50, en plastique aussi mais sans réussite commerciale en raison de leur fragilité. Juste après la Deuxième guerre mondiale, 77 femmes et 63 hommes sont employés séparément. Les hommes occupent les postes de cadres ou d’ouvriers chargés de la fabrication et du réglage, tâche demandant d’avoir l’œil et l’oreille, « attribut masculin semblait-il à l’époque », ironise Marlène Herlem. Les femmes sont affectées au montage et à l’emballage. Dans cette entreprise familiale, les relations avec les employés sont bonnes au point que les ouvriers refusent d’être syndiqués. « Trois mille métronomes par mois, on faisait ça à longueur de journée, raconte un ouvrier-horloger. Toute la journée on avait ce bruit-là dans les oreilles, on en faisait marcher 50, 60, parfois 100 comme ça ! Nous on était habitué, on n’y faisait plus attention. » Habitante du quartier de Boyenval depuis les années 70, Madame Lecomte a été employée par la Maison Paquet entre 1954 et 1960. « Nous n’étions pas cher payé mais l’ambiance était excellente », confirme-t-elle. Elle est d’abord apprentie au ferrage (fixage des pièces métalliques sur le bois), puis devient très vite polyvalente : emboitage, montage des mouvements, défilage pour créer le mouvement, réglage…
Nicolas Paquet ouvre aussi une imprimerie à Beaumont et fonde en 1888 « Le Régional de Seine-et-Oise ». Un journal pour faire partager ses opinions républicaines chez cet ancien disciple d’Auguste Comte, créateur du positivisme, auprès duquel il a participé activement au mouvement d’idées démocratiques qui aboutirent à la proclamation de la République en 1848. En outre, l’un de ses fils, Victor, a la fibre poétique. Il signe ses chroniques du pseudonyme de Lucien Dupuis, le nom de sa mère partie trop tôt.
L’histoire de l’entreprise Paquet est attachée aussi aux heures sombres de la ville. Le 5 juillet 1944, les alliés bombardent des positions allemandes en forêt de L’Isle-Adam. Une bombe s’égare de son objectif et frappe, à deux kilomètres et demi la maison d’habitation de la famille Paquet. Erreur d’appréciation dramatique. Vingt et une personnes se réfugient dans le sous-sol de l’habitation, 20 employés et Suzanne Duchâteau qui, entendant l’alerte, a rejoint sur son lieu de travail son mari Edmond, contremaître. On dénombre 18 morts, dont les époux Duchâteau. La plupart d’entre eux n’avaient pas 20 ans. La victime la plus jeune s’appelait André Brevinion, un apprenti-mécanicien de 15 ans seulement. Jacques Vermoote en avait 16. Les sœurs Damoy, Jeanine et Geneviève, étaient âgées de 16 et 17 ans. « Quand l’alerte fut terminée, je me suis précipité à l’entreprise Paquet, témoigne leur frère Jean Damoy. On essayait de déblayer mais c’était très difficile. Ma sœur respirait encore, elle mourut peu de temps après. »
. 2, rue Basse-de-la-Vallée. Jusqu’au 15 novembre, les mercredis (15 h à 18 h) et samedis (10 h à 18 h).