Deux heures d’AG avant de manifester à Paris

Deux heures d’AG avant de manifester à Paris

 

Éducation intersyndicale 95 Nord organisait une assemblée générale, ce mardi 28 mars à Beaumont, en prélude de la manifestation parisienne contre la réforme des retraites. Récit.

Deux heures d’assemblée générale d’Éducation intersyndicale 95 Nord dans la matinée de ce mardi 28 mars. La convocation est fixée dès 9 heures, à la maison des associations Jacques-Laridan, à Beaumont, car il ne faut pas rater, à 11 heures 39, le dernier train pour Paris et sa dixième manifestation nationale contre la réforme des retraites. Vingt-trois participants, grévistes, tous des enseignants à quelques exceptions. Ils proviennent d’établissements (lycée, collèges, écoles) de Beaumont, Persan, Mours, Ronquerolles, Saint-Martin, L’Isle-Adam, Baillet, Marines…

Roland s’est levé de bonne heure. « On a tracté ce matin au lycée de Beaumont, la mobilisation est en baisse, cela s’explique par les épreuves du Bac », rapporte le syndicaliste qui lance le tour de table. « Au collège de Beaumont, la semaine dernière c’était fantastique ! lance Yann. Aujourd’hui, je crois que je suis le seul gréviste. J’espère que ça va revenir. » Au groupe scolaire Simone-Veil, à Persan, il y avait 12 grévistes sur 14 enseignants le 23 mars, et seulement 2 ce 28 mars. À l’école primaire de Mours, 2 sur 7. Dans un autre établissement, « je suis seule à faire grève, on me pointe du doigt, j’entends toute la journée : ‘ Ça ne sert à rien’’ », déplore une jeune femme. « Quand on est isolé(e) dans son établissement, c’est bien de se retrouver pour montrer que nous ne sommes pas tout seul, fait observer Yann. Cette AG est intéressante pour cela. »

Les non-profs qui y participent ont été alertés de son organisation grâce à l’un des 3 000 tracts appelant à la grève et aux manifestations, distribués la semaine dernière à la gare et au marché de Persan, au rond-point entre Persan et Chambly, au lycée de Beaumont... Un prochain tractage est envisagé au pont de Beaumont (la date n’est pas encore fixée).

Sandra propose également de « s’installer à un endroit où on est le plus visible, le centre-ville de Persan, sur le parvis de la mairie, avec des banderoles, en offrant le café aux gens. Peut-être qu’au début on ne sera que quatre ou cinq, mais avec la récurrence des présences, ces chiffres peuvent grossir. » Yann suggère « une vraie opération à la sortie des écoles. » Dans l’agenda de la semaine des membres de l’intersyndicale figure, vendredi, un soutien aux éboueurs devant la mairie d’Argenteuil.

Personne ne hausse le ton mais avec la détermination est totale. Les débats sont constructifs, l’écoute importante. Il y a encore un peu de temps pour attraper le TER de 11 heures 39. On évoque la manifestation parisienne de cet après-midi. Beaucoup ont mal vécu celle du jeudi 23 mars. Privés d’accès de sortie du cortège dans le quartier de l’Opéra, certains ont eu le sentiment d’être dans une souricière. « Des gens ont eu peur, mais on peut manifester à Paris en étant en sécurité », estime Sandra. « Sans être trop en danger, en restant à l’arrière », enchaîne Yann qui poursuit : « J’ai envie de voir la tronche du cortège parisien aujourd’hui. Il ne pas se cacher derrière le petit doigt, on entre dans une nouvelle phase, on ne se laisse plus porter par la masse des grévistes, par les mots d’ordre de l’intersyndicale. On passe à un mouvement militant. On quitte un mot d’ordre contre la réforme des retraites, on glisse vers un autre mouvement et d’autres types de revendications. » Et d’ajouter : « J’ai 40 ans, je manifeste depuis l’âge de 16 ans. Perso, je ne vais pas à l’affrontement mais je serai au plus près : quand on est gentil, on ne gagne rien. » Assise à sa gauche, Juliette : « Je n’ai toujours pas choisi la violence. »

Dans le cours de l’assemblée générale, Yann évoque son week-end, à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, en compagnie de son épouse : « Je n’ai jamais vu un tel déchainement de violences policières depuis Notre-Dame-des-Landes. Pour protéger quel intérêt ? C’est un trou dans le sol. Je suis encore sous le choc. Il y a eu beaucoup de contrôles de police pour accéder au site et dès que nous sommes arrivés sur place, c’est parti tout de suite en vrille. » Il exprime « le regret de ne pas avoir été en première ligne, d’avoir été trop spectateur. » Il a du mal à finir son récit des évènements, il est ému aux larmes. La salle applaudit.